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juil. 08 201415:16

Pri-vi-lé-gié !

Pour continuer la veine de mon précédent billet, et suite à certains trolls sur twitter que je ne parviens pas toujours à ignorer avec superbe, j’aimerais m’arrêter sur quelque chose qui revient avec insistance dans les commentaires de ceux qui ne comprennent pas que les professionnels du spectacle défendent leurs droits sociaux.

Je suis un privilégié.

Mon exorbitant privilège – et je n’en ignore rien – consiste à exercer un métier que j’ai choisi, que j’aime et dans lequel j’ai l’impression que ce que je fais a un sens, autant pour moi que pour ceux pour qui je le fais[1]. Je n’ignore pas qu’une part considérable de la population s’emmerde dans des boulots qu’ils n’ont pas choisi ou ne les valorisent pas ou sont abominablement sous-payés[2] – aucun ou n’étant naturellement exclusif ici.

Mais ce privilège a un coût : j’ignore jusqu’à quand j’aurai du travail (chaque contrat peut théoriquement être le dernier et je signe couramment deux à trois contrats par mois et autant de soldes de tout compte – y compris avec le même employeur). Si je tombais sérieusement malade, par exemple, il est quasi sûr que j’aurais été remplacé avant d’être guéri, et que je doive alors me mettre en quête de nouveaux employeurs. Je retarde depuis plusieurs mois une opération qui m’est nécessaire[3] parce que j’aurai besoin de plusieurs semaines de convalescence et que je n’ai pas ce temps-là durant l’année scolaire.

Je gagne ma vie aujourd’hui[4], mais ça n’a pas toujours été le cas, et ça peut s’arrêter très vite et mettre du temps à revenir – ça m’est déjà arrivé.

Donc oui, je suis un privilégié. Mais je n’ai pas la sensation de m’engraisser aux dépens des vrais travailleurs et d’allocations chômages indues. Mon privilège, c’est d’aspirer au bonheur. Il se trouve que ça fait partie des droits de l’homme…

La prochaine fois, j’arrête le prêchi-prêcha et je parle d’art et de beauté, promis !

Soyez (pas trop) sages, d’ici-là.

Notes

[1] Les spectateurs, hein. Je travaille avec les gens qui me payent pour le public.

[2] Je pourrais m’aligner sur cette dernière catégorie, mais je ne me plains pas de mon sort, pour l’heure.

[3] Rien de grave, hein, mais je suis obligé, en attendant de porter un équipement moyennement seyant pour ne pas lutter contre la douleur quand je joue.

[4] M. Copé me classerait tout de même dans les minables.

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